OUVERTURE DU COLLOQUE
PAR
JEAN-JACQUES DUMONT
DIRECTEUR DE LACTION RÉGIONALE ET DE LA PETITE ET MOYENNE INDUSTRIE
Au SECRÉTARIAT D'ETAT À L'INDUSTRIE ET AU COMMERCE EXTÉRIEUR,
REPRÉSENTANT LE MINISTRE CHARGÉ DE L 'INDUSTRIE
Sans anticiper sur les débats, je voudrais brièvement décrire tes enjeux en présence. Nous sommes déjà loin du temps OÙ la production de biens manufacturés n'était pour l'essentiel guidée que par des considérations purement quantitatives: produire en grand nombre pour abaisser les coûts unitaires, rendant ainsi possible une diffusion généralisée des flouveaux biens de consommation.
Dans les années 80, les consommateurs sont devenus plus exigeants. Confrontés à une concurrence toujours plus sévère, les industriels ont engagé des démarches d'assurance de la qualité et, aujourd'hui, on peut dire que cette approche est admise dans son principe. Mais ces exigences nouvelles ne se rapportaient principalement qu'à la valeur d'usage des objets. Depuis plusieurs années, la montée rapide de ta conscience écologique dans notre société pose la question du Bien produire ". Les thèmes de cette journée sont focalisés sur le volet " Fabrication ". Vous aurez donc l'occasion, au cours de cette journée, de débattre d'une part du développement du management environnemental, notamment au sein des PMI, d'autre part de l'obligation mise en place du système de management de la sécurité dans les établissements à risques technologiques.
Le management environnemental en entreprise, tout d'abord : depuis plusieurs années déjà, un nombre croissant d'entreprises, pour la plupart des grands groupes, ont perçu le caractère incontournable de l'évolution que j'évoquais auparavant, et se sont donc adaptées à cette nouvelle
donne. La prise en compte de l'environnement, tant au niveau des investissements et des méthodes d'exploitation que de la politique de communication, est devenue, pour elles, un facteur de développement stratégique. Mais il faut bien constater que cette prise de conscience est encore minoritaire au sein des entreprises, notamment des PMI, et ce, même Si la simple prise en compte du nombre de sites enregistrés au titre du règlement communautaire Eco Audit, ou d'entreprises certifiées ISO 14000 au sein des différents états de la Communauté Européenne constitue un indicateur quelque peu sommaire. Plusieurs raisons, d'ordre économique, organisationnel, culturel, pourraient expliquer ce décalage.
Le message délivré aux entreprises n'a probablement pas été suffisamment lisible, suffisamment convaincant, qu'il s'agisse de l'usage des référentiels, ou des rôles respectifs des différents acteurs. Pourtant, nous savons tous que, à l'instar des différents impératifs de qualité, les exigences environnementales concernent les PMI comme les grandes entreprises.
Plusieurs gains : gain financier, d'abord, tant il est vrai qu'économiser l'énergie et les matières premières, rationaliser la gestion et l'élimination des déchets, peuvent souvent conduire à des substantielles réductions des coûts d'exploitation ; gains économiques ensuite : un choix optimisé des investissements, notamment le recours aux technologies propres, peut constituer pour l'entreprise un avantage concurrentiel décisif. On peut statistiquement affirmer que des investissements de dépollution limités au seul rejet final, réalisés sous contrainte réglementaire sont régulièrement rattrapés par l'accroissement de cette contrainte, et coûtent globalement au final plus cher à l'entreprise qu'une démarche intégrant le stade de la conception.
Gain commercial ensuite : l'image de marque d'une entreprise passera de plus en plus par sa capacité à prouver ce que j'ai appelé le " bien produire ". Ceci intéresse l'ensemble des partenaires de l'entreprise : riverains, milieux associatifs, élus locaux, autorités administratives, mais aussi clients, donneurs d'ordre, jusqu'aux assureurs et même investisseurs. Certains grands donneurs d'ordre, à l'image de ce qui s'est passé dans le domaine de la qualité produit, s'apprêtent à exiger de leurs sous-traitants, des références environnementales.
Enfin, gain en terme de management, car une véritable démarche environnementale ne peut se concevoir sans l'adhésion de l'ensemble personnel et donc, à ce titre, elle peut constituer un axe porteur fort pour un projet d'entreprise. Je ne prétendrai pas à l'exhaustivité, mais je voudrais profiter de l'occasion qui m'est offerte à cette tribune pour affirmer les trois principes qui, à mon sens, devraient guider toute mise en place de management environnemental.
Il s'agit d'une démarche volontaire, mieux vaut agir que subir, prévenir que guérir, je pense qu'aucun chef d'entreprise puisse être indifférent à de tels propos. Il s'agit d'une démarche transversale : chacun aura compris que, directement ou indirectement, toutes les fonctions de l'entreprise sont impliquées, ce qui suppose des évolutions d'ordre organisationnel, et ce qui' également, et j'en viens a mon troisième point, doit s'inscrire dans la durée.
Il s'agit donc d'une démarche progressive, d'un processus se déroulant en plusieurs années, structurée en plusieurs phases et susceptible d'être normalisée par rapport à tel ou tel référentiel. On sait qu'à ce jour, la grande majorité des entreprises et notamment des PMI françaises, n'est pas en situation de faire enregistrer son site ou de se faire certifier. La pire des réactions serait de ne rien entreprendre devant lampleur de la tache à accomplir.
On s'est sans doute dans un premier temps, énormément polarisé sur les outils, oubliant lobjectif. Je crois pour ma part que la capacité d'adaptation des PMI françaises les conduira à élever le niveau de prise en compte de lenvironnement et je pense que les candidatures à l'Eco-Audit et à la certification suivront.
Quelques mots maintenant sur les systèmes de management de la sécurité : bien quil soit difficile voire artificiel préoccupations environnementales et préoccupations de sécurité, cette dernière problématique a ceci de spécifique par rapport à celle du management environnemental : la directive communautaire sur les risques majeurs, dite SEVESO II, impose aux exploitants d'établir un document définissant leur politique de prévention des accidents majeurs, et notamment lexistence d'un système de management de la sécurité au sein de létablissement. Si les grands groupes dont relèvent la plupart des activités les plus dangereuses, ont déjà pour la plupart mis en place de tels systèmes, de nombreuses entreprises vont devoir procéder à une telle mise en place ou réviser les dispositions existantes insuffisantes.
L'analyse des causes fondamentales d'accident révèle ou plutôt, je devrais dire, confirme qu'une majorité d'entre eux ont des origines humaines organisation inadaptée, absence, inadéquation ou non-respect des procédures, qualification insuffisante des opérateurs, etc. Jusque là, l'action réglementaire dans ce domaine, tout en posant le principe de l'obligation de résultat, a surtout mis l'accent, dans la pratique, sur l'obligation d'un certain nombre de moyens techniques. La directive SEVESO Il, elle, met l'accent sur l'aspect organisationnel, les responsabilités, les pratiques, les procédures, les délégations. En matière environnementale, la réglementation est depuis toujours fondée sur le principe que l'industriel est responsable de l'exercice de ses activités. Les pouvoirs publics conditionnent justement l'exercice de certaines activités au respect des conditions de fonctionnement, et s'en assurent au travers du contrôle des arrêtés préfectoraux d'autorisation.
Désormais, cette pratique régalienne classique se verra compléter par un contrôle de l'existence et du fonctionnement effectif d'un système de management de la sécurité. Il s'agit là d'une évolution significative des pratiques actuelles, dont les modalités précises sont en cours de définition. Pour ma part, je retiendrai que les pouvoirs publics, dans un domaine aussi fondamental que la gestion de la sécurité, veulent s'assurer au-delà de l'exercice habituel d'une police technique, que l'industriel assume pleinement son rôle d'exploitant responsable.
J'en viens maintenant à un point important, qui est celui de l'accompagnement des entreprises. En effet, Si le management environnemental relève fondamentalement de la responsabilité des chefs d'entreprise, il importe de leur en faciliter l'apprentissage. Un grand nombre d'acteurs de la vie économique locale oeuvrent désormais en ce sens dans les collectivités territoriales, organismes consulaires, fédérations professionnelles, milieux associatifs, etc. Les professionnels de la qualité et de l'environnement, désormais rôdés a cette démarche, sont à même d'apporter un appui technique décisif, Je rappellerai que les DRIRE sont en mesure de soutenir financièrement, notamment au travers des FRAC, le recours au conseil en management environnemental. Des démarches collectives, à l'initiative des collectivités territoriales, de branches industrielles ou d'organismes consulaires, ont déjà permis à certaines entreprises d'engager la démarche.
Vous en aurez, je crois, divers témoignages cet après-midi. Souhaitons que ces actions se traduisent par une rapide résorption de la relative faiblesse actuelle que nous constatons dans l'appropriation par les entreprises françaises des outils du management environnemental et souhaitons que nos entreprises puissent tenir leur rang à cet égard dans le concert international.